Guy Carcassonne est professeur de droit public à l’université Paris-Ouest Nanterre-la Défense.
Constitutionnaliste français réputé, Guy Carcassonne a été conseiller (relations avec le Parlement) auprès de Michel Rocard, alors premier ministre (1988-1991). En 2007, il a participé au Comité de réflexion sur la réforme des institutions présidé par Edouard Balladur. Il est, notamment, l’auteur de « La Constitution » (Points Seuil, 8e édition 2007).
Cette tribune est parue dans l’édition du 3 mai 2010 du journal « Le Monde »dont voici un extrait :
"" Le cumul des mandats est une plaie. Il faut la cautériser. Rien n’interdit de le faire intelligemment. Reprenons tour à tour chacune de ces trois affirmations. Que le cumul soit une plaie tient d’abord à cette évidence, que l’on connaît au moins depuis Goldoni : même Arlequin ne peut servir convenablement deux maîtres. La nation et les collectivités territoriales ont des intérêts qui peuvent être différents voire, à l’occasion, s’affronter. Celui qui est élu des deux penchera d’un côté et abandonnera l’autre. La confusion des genres nuit toujours à l’un d’entre eux au moins, quand ce n’est pas aux deux. Or représenter la nation est une occupation qui est bien digne d’un plein-temps et qui s’exercera d’autant mieux que l’on n’aura que cela à accomplir, ce qui est déjà beaucoup. Ne pas l’admettre est intrinsèquement choquant.
Ensuite, s’il est vrai que le cumul n’est certes pas le seul motif de l’absentéisme, peut-être même pas le premier, il en reste un, puissant, et l’on mesure chaque jour la difficulté de renforcer une institution parlementaire que ses membres persistent à déserter quand trois jours de présence et de travail effectifs changeraient tout en bien.
Si, à la rigueur, le cumul pouvait se comprendre dans la France centralisée de jadis, où il mettait un peu de liant entre le centre et la périphérie, il est tout à fait hors de saison depuis que la décentralisation a confié des responsabilités lourdes et éminentes aux élus locaux, lesquels, au demeurant, bénéficient, dans leurs relations avec l’Etat, des facilités de toutes sortes que leur offrent les techniques d’aujourd’hui : on peut contacter un bureau ministériel sans pigeon voyageur ou nuits passées dans un train à vapeur. Ce cumul, enfin, est un désastre politique puisqu’il bloque le renouvellement et la diversité d’un corps électif que menacent le vieillissement, l’homogénéité et, avec eux, la sclérose.
Plusieurs centaines de parlementaires en situation de cumul, cela signifie plusieurs centaines de mandats, parfois importants, fermés aux femmes, aux jeunes, à la diversité, qui en auraient pourtant grand besoin et nous tous avec eux. Il y a davantage, presque plus grave encore. La tendance est assez naturelle qui conduit chaque élu à se méfier de tout nouveau venu de son propre parti, surtout s’il semble prometteur. Ne va-t-il pas chercher à prendre la place ? Le plus sûr est alors d’occuper soi-même tout le terrain disponible.
En cumulant, on s’épargne une concurrence interne qui pourrait se révéler dangereuse. Résultat ? On s’active à écarter les talents menaçants, auxquels on tend à préférer la médiocrité, celle qui ne peut pas faire d’ombre. Dans les autres pays, au contraire, l’arrivée de candidats jeunes et doués est encouragée, saluée. L’impossibilité du cumul diminue la menace et, pour tous les mandats, il devient de l’intérêt bien compris de chacun de faire émerger le meilleur candidat, plutôt que de voir celui qui est déjà en place investir tout l’espace.
La réforme intervenue en 1985 avait au moins eu le mérite de limiter le cumul à deux mandats, mettant fin au délire antérieur dans lequel le même, Jean Lecanuet ou Louis Mermaz par exemple, pouvait être simultanément conseiller municipal, maire, conseiller général, président du conseil général, conseiller régional, président du conseil régional, député ou sénateur et encore, pour faire bonne mesure, parlementaire européen ! Mais ce retour à moins de déraison s’est traduit par l’extension de cette déraison même, le cumul étant devenu quasi-systématique. ""
La page complète :
http://www.delairagauche.net/?p=1262
=================================================================================
Un autre avis avec l ' Association AntiCor :
http://anticor.org/qui-sommes-nous/charte-ethique-des-collectivites-locales/
Et la Fondation Jean Jaurès :
http://www.jean-jaures.org/Publications/Les-essais/Pourquoi-il-faut-en-finir-avec-le-cumul/(language)/fre-FR
=================================================================================
Et même une carte des cumulards !!
http://www.ipol.fr/index.php?2008/02/11/688-test