Une initiative (très) intéressante de notre ancien collègue Pascal Canfin au parlement européen.
Guillaume Duval Rédacteur en chef Alternatives économiques
CANFIN Pascal
Objet : ComPresse: Appel européen à la création d'un contre-pouvoir au lobby des banques
Bruxelles, le 21 juin 2010
Communiqué de presse des députés européens Pascal Canfin (Europe Ecologie), Pervenche Berès (PS) et Jean-Paul Gauzès (UMP)
Pour la première fois 22 députés européens en charge de la régulation des banques et des marchés financiers lancent un appel transpartisan pour dénoncer l'asymétrie entre, d'un côté, le lobbying des acteurs financiers et, de l'autre, l'absence de contre-expertise indépendante en provenance de la société civile.
Cet appel mis en ligne aujourd'hui sur www.finance-watch.org est lancé par des députés de 9 pays (France, Allemagne, Royaume-Uni, Portugal, Grèce, Luxembourg, Italie...), en charge des textes clés actuellement en cours de négociation au niveau européen en matière de régulation financière (fonds spéculatifs, rémunération des banquiers, création d'une agence européenne de régulation des marchés financiers, contrôle des agences de notation, produits dérivés...).
Les députés signataires de cet appel sont issus de 5 des 7 groupes du Parlement européen allant du Parti populaire européen (droite) à la Gauche unitaire européenne (gauche communiste) en passant par les Libéraux, les Verts et les Socialistes. Parmi les députés européens français, il a été signé par Pascal Canfin (Europe Ecologie, vice-président de la commission spéciale sur la crise du Parlement européen), à l'origine de cette initiative, Jean-Paul Gauzès (UMP, coordinateur du Parti populaire européen pour les questions économiques et financières) et Pervenche Berès (groupe Socialistes & Démocrates, rapportrice de la commission spéciale sur la crise).
3 questions à Pascal Canfin, député européen (Groupe des Verts) à l'initiative de l'appel:
Pourquoi cet appel?
Pour alerter l'opinion sur un véritable risque pour la qualité de la démocratie.
En matière sociale, en face des organisations patronales, les organisations syndicales peuvent faire entendre leur voix. En matière environnementale et de santé publique, en face des industriels les organisations non gouvernementales ont développé une véritable contre-expertise. En matière financière, il n'en est rien : les capacités de lobbying de l'industrie financières sont exceptionnellement fortes tandis, qu'en face, la contre-expertise de la société civile particulièrement faible. Cette situation est un danger pour la démocratie : elle favorise soit une réponse politique trop faible au regard des enjeux, soit une réponse politique uniquement basée sur l'émotion et le populisme. Les députés qui ont signé cet appel ne sont pas d'accord sur toutes les mesures à prendre mais ils veulent que le débat soit de qualité et équilibré.
Cet appel n'est-il pas un constat d'échec puisque le Parlement européen ne peut pas faire son travail aujourd'hui dans de bonnes condition ?
Non, ce n'est pas le cas. Nous développons notre propre expertise indépendante de l'industrie et travaillons le mieux possible. Mais nous sommes obligés de constater cette asymétrie. Qui plus est, la proximité qui peut parfois exister entre les élites politiques et financières accentue ce déséquilibre. Les arguments de l'industrie financière se voient donc accorder un poids beaucoup plus important que celui qu'il représente dans la société.
Et maintenant?
Première chose à faire: signer l'appel! L'ensemble des parlementaires européens et les élus des parlements nationaux dans tous les Etats membres sont maintenant invités à rejoindre l'appel sur le site www.finance-watch.org. Ensuite, nous allons discuter avec les organisations de la société civile pour les aider à créer une sorte de "Greenpeace de la finance" assise sur une véritable contre-expertise issue de personnes ayant travaillé sur les marchés financiers, financièrement totalement indépendante de l'industrie financière, bien-sûr totalement indépendante politiquement et capable de faire passer un message au travers d'actions de communication grand public.
Contact presse
Anne de Blic: 06.11.09.30.89
Sandrine Roginsky: 06.32.17.02.80
Bureau de Pascal Canfin,
Député européen Europe Ecologie
Membre de la Commission des Affaires économiques et monétaires, Vice-président de la Commission spéciale sur la crise financière, économique et sociale
L'APPEL
Nous, élus européens en charge de réglementer les marchés financiers et les banques, constatons tous les jours la pression exercée par l’industrie financière et bancaire pour influencer les lois qui la régissent. Il n’est pas anormal que ces entreprises fassent entendre leur point de vue et discutent régulièrement avec les législateurs. Mais l’asymétrie entre la puissance de ce lobbying et l’absence de contre-expertise nous semble un danger pour la démocratie. Le lobbying des uns doit en effet être contrebalancé par celui des autres. En matière environnementale et de santé publique, en face des industriels, les organisations non gouvernementales (ONG) ont développé une véritable contre-expertise. Il en est de même en matière sociale entre les organisations patronales et syndicales. Cette confrontation permet aux élus d’entendre des arguments contradictoires. En matière financière, ce n’est pas le cas. Ni les syndicats de salariés, ni les ONG n’ont développé d’expertise capable de rivaliser avec celle des banques. Il n’existe donc pas aujourd’hui de contre-pouvoir suffisant dans la société civile. Cette absence ne nous empêche pas de développer notre propre expertise indépendante de l'industrie et de faire notre travail, mais cette asymétrie constitue à nos yeux un danger pour la démocratie.
Car cette asymétrie s’inscrit dans un contexte de forte proximité des élites politiques et financières. Aux Etats-Unis les liens entre Goldman Sachs et l’administration fédérale sont connus. Mais en Europe cette proximité n’est pas moindre. Elle contribue à renforcer la prise en compte des arguments de l’industrie financière de manière unilatérale et constitue un frein certain à la capacité du personnel politique à prendre des décisions en toute indépendance. Or, l’absence de réponse politique adéquate à la crise du système financier peut nourrir toute forme de populisme, basé davantage sur l’émotion que sur la raison.
En tant qu’élus européens en charge de la réglementation financière et bancaire nous appelons donc la société civile (ONGs, syndicats, universitaires, think-tanks...) à s'organiser pour créer une (ou plusieurs) organisation non gouvernementale capable(s) de développer une contre expertise sur les activités menées sur les marchés financiers par les principaux opérateurs (banques, compagnies d’assurances, hedge funds, etc…) et de faire connaitre de manière efficace cette analyse aux medias. En tant qu'élus issus de plusieurs familles politiques nous pouvons diverger sur les mesures à prendre. Mais nous convergeons pour alerter l'opinion sur ce risque pour la qualité de la démocratie. En tant que parlementaires européens, nous invitons les élus des parlements nationaux à rejoindre notre appel en se rendant sur le site internet dédié www.finance-watch.org.
Liste des premiers signataires membres du Parlement européen :
Sophie Auconie (membre de la commission des affaires économiques & monétaires), Burkhard Balz (membre de la commission des affaires économiques & monétaires), Pervenche Berès (rapporteure de la commission spéciale sur la crise financière économique et sociale, présidente de la commission de l'emploi & des affaires sociales), Udo Bullman (responsable pour le groupe Socialistes & Démocrates dans la commission des affaires économiques & monétaires), Leonardo Domenici (membre de la commission des affaires économiques & monétaires), Pascal Canfin (vice-président de la commission spéciale sur la crise financière économique et sociale), Sergio Gaetano Cofferati (membre de la commission spéciale sur la crise financière, économique et sociale), Elisa Ferreira (membre de la commission des affaires économiques & monétaires, en charge de la gestion de la crise transfrontalière dans le secteur bancaire), Jean-Paul Gauzès (responsable pour le groupe du Parti Populaire Européen dans la commission des affaires économiques & monétaires, en charge de la directive sur les fonds spéculatifs), Sven Giegold (responsable pour le groupe des Verts-ALE dans la commission des affaires économiques & monétaires, en charge de la directive sur les autorités européennes des marchés financiers), Robert Goebbels (membre de la commission des affaires économiques & monétaires), Thomas Händel (membre de la commission des affaires économiques & monétaires), Charles Goerens (membre de la commission spéciale sur la crise financière, économique et sociale), Eva Joly (présidente de la commission du développement, membre de la commission des affaires économiques & monétaires), Jürgen Klute (responsable pour le groupe Gauche Unitaire Européenne dans la commission des affaires économiques & monétaires), Philippe Lamberts (membre de la commission des affaires économiques & monétaires), Arlene McCarthy (membre de la commission des affaires économiques & monétaires, en charge de la directive sur les fonds propres bancaires), Sirpa Pietikäinen (membre de la commission des affaires économiques & monétaires), Anni Podimata (membre de la commission des affaires économiques & monétaires), Miguel Portas (vice-président de la commission spéciale sur la crise financière économique et sociale ), Peter Simon (membre de la commission des affaires économiques & monétaires), Dirk Sterckx (membre de la commission des affaires économiques & monétaires)